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Marcher à l’aveugle, accompagné

Marcher à l’aveugle, accompagné

La marche en aveugle, accompagné(e): un soin pour soi, pratiqué dans un cadre sécurisé.

Le contexte de l’accompagnement en marchant

La personne accepte assez facilement, lorsqu’elle est accompagnée en marchant à l’aveugle, l’expérimentation corporelle.
Il s’agit alors de mettre du corps dans la métaphore : « je vais vers mon futur mais je ne sais pas où je vais ». Voilà en effet une réflexion à la fois banale et pleine de sens… Comment ne pas la laisser trop intellectuelle?

Donc voilà la personne équipée d’un bandeau sur les yeux. Et il s’agit davantage d’une aide que d’une contrainte. En effet, marcher simplement les yeux fermés n’empêche pas les mouvements réflexe des paupières qui s’ouvrent brusquement au contact d’une irrégularité du sol par exemple.
Ainsi le bandeau permet d’avancer soit les yeux ouverts, le regard portant au centre du masque opaque, soit les yeux fermés, en gardant les paupières les plus détendues possibles, pour influencer la posture générale le moins possible.

Prise de Risque, accompagné(e)Philippe Castan marche accompagnée

Le niveau de confiance est souvent élevé envers l’accompagnant(e), souvent présent au contact dans un premier temps. Quel « contrat » passer avec son accompagnant pour lancer sa marche à l’aveugle, vers son futur inconnu? Comment exprimer concrètement et réellement ses besoins?
Parfois quelques secondes d’ajustement humain, parfois plusieurs longues minutes à tâtonner avant qu’un mouvement ne débute. Tantôt un très haut niveau de confiance donné a priori et un relâchement perceptible du corps, tantôt une crispation de la posture et des difficultés à s’accorder.
L’un a envie de guider, l’autre a envie d’entendre, un troisième tient le bras, un quatrième « descend » dans la pleine sensation de ses pieds et veut être autonome.
Sans compter celui qui ne parvient pas à bouger… Je me souviens de cette cliente s’étant en permanence plainte de vivre avec une personne qui ne lui laissait aucune initiative, exprimant son besoin de liberté et qui, une fois à l’aveugle, restait immobile en demandant « bon, où est-ce qu’il faut que j’aille maintenant? », puis pestait contre son accompagnateur qui ne « l’aidait » pas!

La conscience de ses sens

La vue, sens synthétique et premier par excellence, n’est plus là. Elle ne transmet plus d’informations au corps ni aux autres sens, qui soudain s’aiguisent différemment.
Et puis nous sommes en marche, non pas à méditer immobile ni concentrés à l’écoute d’une musique dans une pièce, mais en milieu naturel, où toutes sortes de sons inhabituels se manifestent, où l’irrégularité du sol est souvent permanente, où le corps peut à chaque instant entrer en contact avec un arbre, une pierre, un courant d’air. Les canaux perceptifs préférentiels de chacun s’activent et s’amplifient (auditif, kinesthésique, olfactif, voire…gustatif!).

Découvertes de soimarche à l'aveugle

L’expérience se prolonge, parfois plusieurs dizaines de minutes. Par exemple, je me souviens d’un client qui a marché plus d’une heure ainsi, sa main droite tenant une sangle de mon sac à dos. Alors, nous avons alors longuement parcouru les trottoirs d’une banlieue, croisant de nombreuses personnes étonnées.
Le vécu d’une sensation grandissante de bien-être est fréquent – la vue serait-elle le vecteur principal des peurs?

Je me souviens de cette personne qui décrivait un parcours un peu « erratique », ayant perdu toute orientation, n’ayant plus aucune sensation de vers quelle direction marcher, et « se reconnaissait » parfaitement dans ce mouvement.

Aussi, je me souviens de cette cliente qui , dès les yeux bandés, rentrait dans un monde d’images fortes. Ces images lui étaient inconnues, mais se remplissaient de sens ensuite. Nous aurions pu marcher sur n’importe quel chemin je pense, tant ce monde d’images était actif et dominant pour elle.

Sortir de l’expérience

Revenir à sa vue n’est pas toujours aussi simple. Déjà se réaccoutumer à la lumière, retrouver un mouvement qui prenne la vue en compte. Souvent la personne se retourne et regarde le chemin qu’elle a parcouru. Elle a gardé trace des sensations fortes vécues. Un relâchement corporel s’exprime souvent, ainsi que l’étonnement d’avoir d’emblée ressenti une grande confiance en son accompagnant(e)

Contribution à une Gestalt-thérapie itinérante

Contribution à une Gestalt-thérapie itinérante

« Contribution à une Gestalt-thérapie itinérante »

C’est le titre de l’écrit de Philippe Castan, au sein du processus d’obtention du certificat européen de Gestalt-thérapie.

Le 24 février 2017, Philippe Castan mettra en dialogue sa pratique « d’itinérance-thérapie » auprès des professionnels de la psychothérapie gestaltiste.
Il y présentera sa pratique et les dispositifs de marche accompagnée itinérante qu’il propose à ses clients, dans le cadre particulier qui est le sien.
Il s’agit là d’une étape dans le processus officiel de certification européenne  finale délivrée par l’EAGT (European Association of Gestalt Therapy).

Résumé

Le label Chemin Aidant®, que j’ai déposé est un accompagnement « d’itinérance-thérapie », de Gestalt-thérapie en marchant : une pratique, différente de celle d’un cabinet, et qui ouvre le champ de la Gestalt-thérapie en prenant appui sur le support de l’environnement extérieur avec lequel le client et moi-même sommes en relation dans le mouvement de la marche.

Ce dispositif, à la fois ancré dans une pratique humaine probablement archaïque et éternelle, ouvre des avancées contemporaines à l’accompagnement Gestalt-thérapeutique, à condition d’y intégrer la professionnalisation de la Gestalt-thérapie.

Le métissage entre une pratique humaine ancienne et les réalités théoriques d’une pratique gestaltiste actuelle permet de créer des outils, tel que le « Cheminogramme », qui permet de mettre en lien vivant le sens et le vécu corporel du cheminement du client.

Mots-clés : dispositif thérapeutique, « Cheminogramme », vide fertile, unité organisme/environnement, itinérance

Croissance personnelle en pleine nature par la Gestalt-thérapie

Croissance personnelle en pleine nature par la Gestalt-thérapie

Gestalt-thérapie en pleine nature : les groupes de croissance d’Yves Plu

Yves Plu, directeur de l’école gestalt+ à Rennes, a toujours été passionné par la question du « travailler dehors ».
Cet article vous est proposé suite à un entretien entre Yves Plu et moi.

Longtemps utilisant les chevaux dans du travail thérapeutique itinérant, Yves a décidé ensuite d’ouvrir des groupes de croissance personnelle, en marchant en pleine nature.

Rassemblant un groupe qui s’engage sur plusieurs séances, il propose des séquences de vingt-six heures sur une structure temporelle continue de dix heures du matin le jour un à midi le jour deux, ces séquences étant espacées entre elles de plusieurs mois.
L’essentiel de ce travail est effectué en marchant en forêt, le sac sur le dos, avec l’autonomie dans son sac (couchage, nourriture, etc.).

Selon Yves, le client choisit l’offre de travailler en pleine nature avant le thérapeute lui-même – les personnes qui sont là préfèrent cette approche à une psychothérapie en cabinet, et ont déjà travaillé sur elles de façon conséquente.
Le groupe s’élance dans la nature à partir d’un point de rendez-vous, et pendant vingt-six heures n’importe quel membre du groupe peut travailler à n’importe quelle heure, en marchant ou en « pause de marche ».
Les sacs à dos sont, là aussi, considérés comme lourds, on y trouve à manger, des couchages, des tentes, du matériel, avec une proportion d’inutile. Les sacs limitent la marche, les personnes arrivent avec leurs douleurs et, d’une session à l’autre, le sac s’ajuste. Les thèmes collectifs récurrents sont autour de marcher, porter, ne pas avoir froid, ne pas avoir faim.
Yves construit le parcours en fonction de la symbolique des lieux traversés, dans un environnement qu’il connaît, où la forêt est dominante et où il peut gérer les déplacements avec différentes options. Ils dorment en pleine nature, ce sont plutôt les « marchants » qui décident où ils veulent se poser.
Lorsque nous échangeons sur la question émotionnelle, il se demande si ses clients ne vont pas contacter quelque chose de plus profond que l’émotion : par exemple, sur la question du campement pour la nuit, les clients choisissent en général de dormir plutôt dans des espaces ouverts que dans des milieux protégés et épais. Quand le campement est installé, la parole monte, avec des expressions et des expériences de faim ou de froid, réveillant des sujets très basiques, quelque chose de l’ordre de la survie émerge, qui serait invisible et non travaillable dans un cabinet.
Pour Yves aussi c’est le lien avec la nature qui est central et soignant, c’est-à-dire, « ce que la nature nous fait ». Car en effet, comme nous l’avons vu dans ce livre, à un moment donné, la nature révèle quelque chose, une feuille parle, le vent parle, un oiseau vient se manifester à proximité et là, tout le groupe vibre.
Une chance de développer la conscience de la façon dont nous sommes reliés à la nature, comment un petit oiseau vient nous bousculer, vient chercher quelque chose de très ontologique, quelque chose qui s’ouvre de notre humanité que Yves n’a jamais vu s’ouvrir en salle tout au long de sa carrière.
Ca « se révèle », dans cet environnement-là, à ce moment-là, et il semble que l’ensemble des participants soit d’accord là-dessus. Car c’est cette émotion-là qui est emmenée par chacun de retour chez lui et souvent qu’il ramène à la prochaine session. Quelque chose semble se transporter, d’une session à l’autre, les clients sont comme « déjà partis » en arrivant ».
Est-ce de l’ordre d’une intention ? (« J’ai l’intention de sortir différent de la forêt »).
Car les personnes disent venir chercher quelque chose, dans le domaine existentiel, sur la question de leur être. Sur leurs limites aussi et la peur que leurs limites physiques leur empêchent l’accès à ce développement existentiel.
Yves donne une large place à des moments de silence, ne laisse pas trop se déployer la parole, propose des contes, de la méditation, de la centration, des exercices respiratoires. Il aime aussi faire développer une attention individuelle et mutuelle à comment se porte le sac, par soi-même et par les autres.
Sur la thématique de « qu’est-ce que j’amène à manger, qu’est-ce que je peux faire manger aux autres », les plaisanteries ont tendance à fuser, il les note et les reprend ensuite individuellement avec chacun, considérant que cette question de la nourriture – au sens large – est absolument centrale.

Le bienfait de cette expérience de marche accompagnée est pour lui concentré dans deux points :

  • quand, venant de l’intérieur, se manifeste à la surface que la question de la survie est bel et bien là (toutes les questions liées à l’alimentation, à l’orientation, à conserver de la chaleur). Alors il existe un espace pour traiter en groupe et avec lui, sans l’éviter, le sujet existentiel de sa survie.
  • comment la nature vient chercher la personne, qui se rend compte et vit que sa propre biologie n’est pas isolée de l’environnement. Donc une conscience à la fois de la nature vivante et de la nature biologique de soi. Comme si le mouvement de se visiter depuis son superflu jusqu’à son essentiel pouvait là être en permanence connecté à la nature.

J’interroge Yves, comme je suis interrogé moi-même : quelle est la part du passeur, du guide ? Il me répond que c’est aux participants de s’en saisir, qu’il se propose pour passer d’un point à un autre dans l’accompagnement, c’est-à-dire aussi d’un plan de conscience à un autre, mais tout en se nourrissant lui-même de ce que proposent les participants.

Ma Gestalt-thérapie, de Frederick S.Perls

Ma Gestalt-thérapie, de Frederick S.Perls

Ma Gestalt-thérapie, Une-poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans
Par Fritz Perls, le fondateur de la Gestalt-thérapie

Le livre…
Voici le bilan d’une vie exceptionnelle, par l’intensité de ses évènements. Frederick S.Perls a une jeunesse difficile, extrêmement pauvre, assiégée quelquefois par le désespoir. C’est le bohémien sans feu ni lieu. Puis il fuit l’Allemagne nazie, en 1933, pour un pays proche, la Hollande. Trop proche. Les Allemands continuent de la hanter. Il gagne l’Afrique du Sud. De là, traverse l’Atlantique jusqu’aux Etats-Unis pour se poser enfin, en Californie.

Mais cet aspect errant de son existence ne l’intéresse guère. Il aime plutôt raconter comment l’idée d’une thérapie par l’expression gestuelle (« gestalt ») lui est lentement venue, à revivre ses engouements, ses amours, ses diableries, ses heureux moments. Perls révèle, dans ce livre, une puissante nature d’écrivain, proche des surréalistes. C’est le psychanalyste qui s’allonge sur son divan pour régaler le lecteur de ses « associations libres ». C’est le poète qui mêle à son enthousisme, à sa fantaisie, , à ses visions imaginaires, la nostalgie d’un passé où son jeune âge faisait sa richesse. Oeuvre étonnante: à la fois lucide, tendre et drôle. Jamais vie bohême ne faut aussi talentueusement contée.

et son auteur…

Frererick S.Perls, docteur en médecine, psychanalyste, est né en Allemagne. C’est là qu’il fait ses études avec Heimer, Tillich et Buber. En 1933, il s’installe à Amsterdam, puis à Durban. Il publie en 1942 EGO, ANGER AND AGGRESSION. En 1946, il émigre aux Etats-Unis: il dirige des séminaires à Esalen et crée l’Institut de Gestalt à Vancouver. Il est mort en 1970.