Travailler en côte-à-côte

Travailler en côte-à-côte

Qu’implique d’accompagner Côte-à-Côte?

L’itinérance accompagnée met en dispositif un partage du chemin, en mouvement, dans un dialogue client(e)-praticien(ne).
Ceci se réalise la plupart du temps en « allant » ensemble, côte-à-côte.

L’intimité du contact latéral.
Bien sûr cette intimité serait impossible à tenir en face-à-face mais là on n’est pas dans la confrontation du regard mais dans le frottement des épaules, des bras. Les autres sens sont exacerbés (ouïe, odorat, kinesthésique) et des infos visuelles sont également disponibles par la vision dite périphérique du praticien.
Peu à peu une sorte de danse marchée débute, à un rythme rapidement synchrone.
On regarde ensemble le chemin devant soi, quasiment depuis le même endroit (le praticien englobant une grande partie du corps de la personne, et elle avec le champ visuel ouvert).
Le contact physique est fréquent et renforcé par l’étroitesse du chemin et la qualité de l’échange intime.

Quelles sont les grandes catégories de postures de « marche-avec »?
Je distingue la posture dite « de discussion » (on partage le chemin mais à une certaine distance, on avance sur plus ou moins la même ligne, on se rapproche et se détache en fonction de la largeur du chemin et de la difficulté du sol). Et là rien ne distinguerait ce style de dialogue d’une simple conversation attentionnée.
Ensuite la posture de conseil, soit, souvent placé devant, en « tirant » vers l’avant pour par exemple tenter de créer un nouveau rythme, de guider, de montrer que l’on peut autrement, etc., soit placé derrière en « poussant » (avec les mêmes motivations).
Ensuite encore la posture dite « de soin » (très rapprochée, au contact, entourante, une attention particulière à éviter la chute, comme penché vers l’autre, regardant où il met les pieds).Côte-à-côte
Pour moi la posture d’accompagnement est autre -même si on empruntera les autres postures pour de bonnes raisons à un moment ou un autre.
Ici il est question de laisser le champ visuel le plus ouvert possible à la personne, sans s’y inclure. Ainsi son « chemin de la suite » est largement ouvert. Il est également important d’être en présence en proximité, afin de faciliter l’échange qualitatif. Ensuite il est question de se synchroniser au mieux et de marcher au rythme de la personne, ni plus, ni moins. Tout ceci à la fois concrètement et métaphoriquement parlant.
Ceci se pratique donc plus facilement « 1/2 pas en arrière », à proximité immédiate de la personne accompagnée.

Travailler côte-à-côte : un évitement? une finalité?
J’ai parfois reçu la critique ou le questionnement, venant en particulier de personnes travaillant essentiellement en cabinet dans un face-à-face de fauteuils, du risque d’évitement du contact s’il n’y a pas la possibilité permanente du regard réciproque.
Il est probable que certains accompagnants aient la crainte de perdre le contact, ainsi qu’une possibilité d’observer, s’ils n’ont pas la vue.
La moindre confrontation visuelle (au moins au début de la marche) peut permettre certaines formes de travail : j’observe souvent, notamment chez les clients hommes, un plus grand et plus long débit verbal dans le côte-à-côte au cours des toutes premières séances. Il semble donc qu’il y aurait à la fois permission plus grande de parler et incitation à éviter d’être trop regardé, confronté.
Passer par des phases d’arrêt de la marche pendant lesquelles je peux me remettre de face est aussi une ressource possible: en étant côte-à-côte je me suis construit une représentation, une forme humaine de la personne, avec certaines caractéristiques. Je dis souvent que « tout se voit » dans la posture de marche sur le côté. En me remettant régulièrement face-à-face, je peux « mettre à jour » cette représentation.
L’utilisation des phases d’arrêt de la marche est fondamentale pour cela, il ne s’agit en rien d’un moment de repos pour l’accompagnant, bien au contraire. Souvent la personne s’est arrêtée pour nous partager quelque chose de « plus important », de « primordial ». Ou bien c’est le surgissement d’une émotion qui arrête le mouvement des membres inférieurs. Ou bien simplement y a-t-il besoin d’une pause, d’un réglage technique d’un vêtement, du sac à dos. Dans tous les cas la présence active de l’accompagnant est requise.Côte-à-côte

Notre objectif « final » devrait être, à mon sens, de se retrouver au plus vite côte-à-côte avec les personnes accompagnées, qu’ils ou elles puissent ressentir notre présence proche, dans  un mouvement, face à un environnement ou un chemin suffisamment clair, jusqu’à ce que notre présence soit si peu perceptible que l’autonomie du client soit maximalisée. Faciliter leur confrontation avec l’environnement vivant plutôt qu’avec l’accompagnant seul.
Bien sûr certains clients voudraient « se laisser porter » ou être guidés, mais l’avantage du travail dehors est que le paysage vient de lui-même proposer des expériences, la passivité n’est pas souvent invitée…

Voir le même chemin devant nous?
Que voit concrètement le client lorsque ses pensées et ses élaborations verbales sont (trop) actives?
Un morceau de chemin « de la suite » au centre-haut de son champ de vision, des bords de nature de chaque côté, et vers le milieu-bas ses chaussures et le tissu de ses jambes en mouvement, ceux du praticien aussi juste à côté. Voilà son univers visuel, son « monde » en chemin. C’est souvent le cas dans les phases initiales de marche. Dans le côte-à-côte le praticien devrait tenir compte de cela. Car pendant ce temps il est, lui, est plus verticalisé, il a accès visuel à l’ensemble du paysage, il voit la forme générale de son client sur le côté, ses mouvements ne sont pas que sagittaux. Il perçoit une réalité très différente dans ce paysage de devant qu’ils vont traverser ensemble.

Où se place le praticien qui s’implique?
Je dirais : à l’endroit où il perçoit son utilité maximale, et dans le respect de sa propre posture et de sa centration. Le face-à-face est bien sûr un choix largement enseigné dans les formations de thérapeutes et autres accompagnants, mais tant d’autres lieux sont envisageCôte-à-côteables, ne serait-ce que pour changer de point de vue, pour compléter sa propre compréhension de son client et de ses processus.
D’ailleurs de nombreux praticien(ne)s de l’accompagnement travaillent côte-à-côte, par exemple lors de l’utilisation de médiateurs (peindre, dessiner, danser, modeler, regarder un film ou une représentation artistique, etc.).

Le risque existe dans cette forme de côte-à-côte de quitter le lien de la pratique relationnelle – qui est notre base- pour se retrouver ainsi « observateur distant ou émerveillé ».
Dans la marche côte-à-côte, le lieu de ce risque est souvent très sensible et clair, on « sait » corporellement qu’on le rejoint ou qu’on le quitte, il est alors assez simple de se réajuster.

 

 

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